Rubrique
Elections américaines : quels impacts sur la profitabilité des sociétés ?

Dans le prolongement de la victoire de Joe Biden à l’élection présidentielle US, nous sommes ravis de partager avec vous les perspectives de notre équipe d’analystes pour chacune des industries :

En résumé

Technologie, Média et Télécoms

Quand les « grands noms » du secteur technologique risquent de faire face à une réglementation plus stricte, cette dynamique devrait être modérée au regard de l’agenda du nouveau président qui tient à se concentrer davantage sur le changement climatique, la lutte contre la crise sanitaire et une meilleure redistribution des richesses. Néanmoins, les prochaines activités de fusion-acquisition risquent d’être scrutées de très près par les autorités compétentes.

La sensibilité d’un retournement de tendance en matière de fiscalité ne devrait pas affecter significativement les fournisseurs de logiciels, ceux-ci ayant peu bénéficié d’une fiscalité favorable sous l’ère du président Trump. Par ailleurs, l’impact d’un contrôle plus strict du Trésor public et de nouvelles taxes spécifiques à l’industrie devrait être modeste car la valorisation de ces entreprises dépend principalement de leur valeur terminale.

Sur le front des semi-conducteurs, nous devrions observer un apaisement des tensions liées à la guerre commerciale à court terme. Néanmoins, les fournisseurs de sociétés chinoises pourraient être pénalisés par d’autres formes de sanctions moins « agressives » sur la forme mais tout aussi pénalisantes, à l’instar de subventions publiques et/ou du rapatriement de la production en local, une tendance favorable pour certains groupes comme Intel et Texas Instruments.

Malgré une attention plus grande accordée aux opérations de fusion-acquisition, la réglementation autour de la tarification des télécoms ne devrait pas s’accentuer de notre point de vue. En effet le contexte réglementaire actuel a prouvé son efficacité en termes de qualité et de fiabilité des réseaux.

Industrie et Ressources

Le plan de relance en faveur des infrastructures, notamment celles axées sur l’environnement, devrait bénéficier d’une hausse des profits. Ainsi, les innovations technologiques « vertes » autour des systèmes de climatisation, de ventilation et de chauffage sont bien positionnées pour bénéficier d’une revalorisation à la hausse de leur cours, ce qui profiterait aux fournisseurs de produits de construction tels qu’Eaton, Honeywell et Acuity. Néanmoins, un environnement moins favorable en termes de fiscalité risque de pénaliser les résultats, notamment pour les sociétés concentrées sur le marché local.

Bien que l’industrie de la chimie ne bénéficierait pas directement du projet de relance en faveur des infrastructures « vertes », les sociétés exposées aux segments de la construction, des véhicules électriques et des énergies renouvelables devraient tirer leur épingle du jeu. A titre d’illustration, la demande pour le méthylène diphényle diisocyanate (MDI) devrait s’accroître sous l’effet de nouvelles mesures en faveur de logements plus écologiques.

De notre point de vue, le marché surestime les coupes budgétaires au détriment de la défense. En effet, les principaux conseillers de Biden en matière de sécurité nationale risquent d’être en opposition avec cette dynamique d’autant plus que les Etats-Unis sont en retard sur de nombreuses technologies clés.

Santé

La composition du Sénat risque d’avoir un impact crucial sur la profitabilité du système de santé, des prix des médicaments et des hôpitaux. Un congrès divisé ou avec une faible majorité en faveur des démocrates devraient se traduire par des résultats moins tranchés quand une majorité significative pourrait entraîner une sous performance de ces industries.

Les fournisseurs d’équipements médicaux devraient être bien moins impactés que l’ensemble du secteur. En effet, l’impact d’une fiscalité moins accommandante devrait être limité en termes de trésorerie.

Consommation

La composition du Sénat risque de fortement influencer le cours de l’industrie automobile. Les mesures de Biden en faveur de l’environnement pourraient se matérialiser par « de nouvelles normes rigoureuses en termes d’économie de carburant visant à s’assurer que l’ensemble des nouvelles ventes de véhicules légers/moyens seront de nature électrique et tout en ciblant une croissance progressive sur le segment des poids lourds « . Dans la même veine, le plan prévoit d’importants investissements dans les infrastructures de recharge, ce qui devrait favoriser certaines entreprises, à l’instar de Tesla.

Une fiscalité moins favorable risque de pénaliser la rentabilité (environ 5% en moyenne) des sociétés liées à la consommation de base avec un effet plus prononcé pour les entreprises concentrées sur le marché local, à l’instar de Clorox, Church & Dwight, Smuckers, Altria et Molson Coors, tandis que l’impact pour les acteurs internationaux (ex. : Coca Cola, Philip Morris et Estée Lauder) devrait être plus modéré.

A court terme, la consommation discrétionnaire semble bien positionnée pour bénéficier de nouvelles mesures fiscales et d’un renforcement des dépenses en infrastructure. A plus long terme, l’impact de ces dernières risquent d’être circonscrit par une hausse des impôts et de l’inflation. Par ailleurs, une réévaluation à la hausse du salaire minimum serait chaleureusement accueillie par les industries exposées à la demande des consommateurs à faibles revenus, celle-ci risque néanmoins de peser sur les marges des entreprises reposant essentiellement sur de la main-d’œuvre.

Finance

Une majorité républicaine au Sénat pourrait entraîner une chute brutale du cours des banques à court terme face à la difficulté à trouver un accord sur les plans de relance. Au fur et à mesure que la croissance économique se redresse et que les perspectives d’une fiscalité plus agressive s’éloignent, la rentabilité du secteur devrait s’améliorer d’autant plus que le démantèlement des grandes banques ne devrait plus être un sujet.

L’avenir des assureurs est également intimement lié à la composition du Sénat. Une majorité démocrate pourrait entraîner une hausse des rendements, une inclinaison à la hausse de la courbe des taux et une réduction des « spreads », ce qui serait particulièrement positif pour le segment de l’assurance-vie.

(Source : Fidelity)


Elections américaines, et ensuite ?
L’éclairage d’Olivier de Berranger, Directeur Général Délégué en charge de la gestion d’actifs de La Financière de l’Echiquier

Tout comme les promesses de la prochaine disponibilité d’un vaccin donnent une idée de la date théorique d’un retour à la normale, le résultat des présidentielles américaines diminue le niveau de stress des marchés. Un retour à un régime de volatilité plus normal, loin des tweets incendiaires ou de stress sanitaires supplémentaires, est donc possible.

A moyen terme, on peut estimer que les taux resteront bas dans un monde développé en convalescence économique. Il n’est pas prévu de changement à la tête de la FED (ni d’ailleurs de la BCE), il n’y aura donc pas de bouleversement de la politique monétaire menée jusqu’alors.

Un système politique américain divisé est aux yeux du marché le meilleur des scénarii. La vague bleue n’étant plus le scénario central, le Sénat peut rester aux mains des Républicains. Cela rendrait donc difficile la mise en place du très grand programme d’investissements et de dépenses envisagé par Joe Biden. La probabilité d’une hausse marquée de la fiscalité s’en trouverait également réduite : pas de révolution fiscale en vue donc, ni de hausse brutale de la taxe sur les plus-values boursières ou de l’impôt sur les sociétés. L’environnement devrait rester favorable aux grands groupes et autres GAFAM même si des enquêtes pour position dominante sont toujours possibles.  

Joe Biden élu, on peut s’attendre à une pacification des relations internationales : renforcement avec ses alliés historiques comme l’Europe ou le Canada, retour à la table des négociations internationales de l’OMC, ainsi que vers l’Accord de Paris, même si un Sénat républicain bloquerait sans doute des mesures climatiques radicales.

Le rythme de la pandémie aux Etats-Unis dictera néanmoins le calendrier de l’administration Biden. La Chine a pris une longueur d’avance sur le monde occidental, retrouvant fin 2020 des niveaux de PIB supérieurs à ceux de l’an passé. Les Etats Unis devront gérer la crise sanitaire avant tout redémarrage marqué. 

Dans un univers de taux bas, LFDE continue de privilégier l’investissement en actions. 2021 pourrait marquer le retour de portefeuilles plus équilibrés entre des valeurs de croissance autonome, grandes bénéficiaires des dernières années, et des valeurs plus cycliques qui bénéficient d’un soutien monétaire et budgétaire inédit ainsi que d’un environnement de volatilité plus faible. Les thématiques porteuses de long terme comme l’intelligence artificielle ou la santé restent bien entendu d’actualité. Les portefeuilles doivent renforcer leur exposition internationale et intégrer des mesures d’impact. Nous lancerons très prochainement d’une nouvelle stratégie dédiée au climat